Fiche d’information éditée par la Société Française de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique.
La reconstruction d’un sein après amputation (ou mastectomie) pour un cancer ou une autre pathologie, fait partie des techniques de chirurgie plastique les plus satisfaisantes. Elle fait partie intégrante aujourd’hui du traitement du cancer du sein et elle marque en général la fin du traitement.
Ce traitement est multidisciplinaire, faisant intervenir de nombreux spécialistes différents : oncologues médicaux, chimiothérapeutes, radiothérapeutes, chirurgiens généraux et plasticiens, psychiatres. Le traitement du cancer du sein n’est pas encore actuellement codifié, et reste souvent affaire d’équipe et d’hôpital.
La reconstruction mammaire ne modifie pas la surveillance à long terme du cancer du sein. En revanche, dans le cas d’une reconstruction mammaire par implant prothétique, la surveillance mammographique ultérieure doit se faire dans un centre de radiologie spécialisé, avec des radiologues rompus aux techniques de mammographies numérisées.
La reconstruction mammaire n’augmente pas le risque de récidives du cancer du sein selon certaines études.
A la suite d’une reconstruction mammaire, la patiente a le plus souvent une période de réadaptation psychologique à la présence de son nouveau sein. L’intégration de ce sein dans son schéma corporel est aussi un des éléments importants de la réussite de la reconstruction mammaire.
Malgré le développement du traitement conservateur du cancer du sein, les indications de mastectomie sont encore très nombreuses Chez les patientes fumeuses, un arrêt strict du tabac doit être obtenu, les effets du tabac retardant en général la cicatrisation.
Pour certaines indications cancérologiques bien précises mais assez rares, la reconstruction est possible dans le même temps que la mastectomie, permettant à la patiente de ne pas subir le traumatisme physique et psychologique dû à l’amputation. Ce traitement réservé à des cancers du sein très localisés, sans potentiel de dissémination, est uniquement chirurgical et permet une guérison du cancer dans presque 100% des cas.
Dans certains cas, une radiothérapie complémentaire, de la paroi thoracique et du creux axillaire, est nécessaire après la mastectomie, voire une chimiothérapie. La radiothérapie surtout modifie les qualités de la peau, entraînant rétraction, télangiectasies, hyperpigmentation autour de la cicatrice de mastectomie. Un délai d’attente de 6 mois à 1 an après la fin de la radiothérapie est alors nécessaire avant d’envisager une reconstruction du sein amputé. Ce délai permet au chirurgien plasticien, après un examen clinique attentif, d’apprécier la quantité et la qualité de peau thoracique restante permettant une reconstruction mammaire de bonne qualité. En fonction de cette peau thoracique résiduelle, de nombreuses techniques sont alors envisageables, de la plus simple à la plus compliquée.
Le choix de la technique se fera en accord avec une patiente correctement éclairée par une information de qualité.
Les principes de la reconstruction mammaire sont :
de reconstruire un volume mammaire, |
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de symétriser le sein controlatéral |
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et de reconstruire la plaque aréolo-mamelonnaire. |
En moyenne, 3 interventions chirurgicales sont nécessaires avant d’obtenir un résultat optimal. La reconstruction du volume mammaire correspond à la première partie de la reconstruction mammaire. C’est l’intervention en général la plus compliquée et la plus lourde dans le processus de reconstruction.
Méthodes de reconstruction du volume mammaireQuatre méthodes principales permettent de reconstruire le volume du sein :
Prothèse simple |
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Prothèse d'expansion |
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Lambeau de grand dorsal |
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Lambeau de grand droit |
C’est la méthode la plus simple de recons truction mammaire lorsque la peau thoracique est de bonne qualité.
Depuis mai 1994, un arrêté du ministère des Finances et du ministère de la Santé interdit l’utilisation des implants prothétiques mammaires préremplis de gel de silicone. La France est le seul pays européen aujourd’hui à interdire l’usage de ces prothèses, bien que la relation de cause à effet entre le gel de silicone et l’apparition d’une pathologie auto-immune, n’a pu à ce jour être démontrée.
Seules les prothèses constituées d’une enveloppe en élastomère de silicone et préremplies ou bien gonflables au sérum physiologique, sont utilisées en France. Ces prothèses ont un aspect et une consistance moins naturels que les prothèses en gel de silicone. Leur durée de vie est aussi moins importante, estimée statistiquement à environ 10 ans.
En cas de fuite ou de rupture de l’implant (estimée à environ 20% des cas), l’innocuité est totale, l’organisme absorbant l’eau salée. Toutes ces prothèses ont pour inconvénient majeur, la formation d’une réaction périprothétique plus ou moins importante, allant jusqu’à la création d’une coque pouvant nécessiter l’ablation de l’implant.
La mise en place de l’implant prothétique se fait dans la grande majorité des cas derrière le muscle grand pectoral. La prothèse est introduite en reprenant la partie externe de la cicatrice de mastectomie si elle est de bonne qualité, soit en la reprenant dans sa totalité si elle est rétractée ou de mauvaise qualité. Un drainage aspiratif est placé dans la loge de la prothèse, sortant au niveau de l’aisselle.
Dans le cas d’une prothèse gonflable, elle est remplie en peropératoire, ce qui permet d’adapter le volume du sein reconstruit. Après suture du muscle et de la peau, un pansement compressif est réalisé en fin d’intervention, qui permet de maintenir la prothèse en bonne position. Ce pansement est généralement gardé pendant 24 à 48 heures, puis il est remplacé par un soutien-gorge de sport (en coton, sans armature, avec agrafage par devant) de taille adaptée, associé au port d’un bandeau élastique placé à la partie supérieure des seins, permettant le maintient de l’implant en position basse pendant une période de 4 à 6 semaines.
Cette intervention est réalisée sous anesthésie générale, la patiente étant en position demi-assise, les bras le long du corps. L’intervention dure en moyenne 1 heure et demie. L’hospitalisation dure entre 3 et 7 jours. Le drain est généralement retiré avant la sortie d’hospitalisation de la patiente, mais peut rester en place de 10 à 15 jours suivant l’intervention. La sortie de la patiente n’est en aucun cas conditionnée par l’ablation du drain.
Les complications les plus fréquentes de cette chirurgie prothétique sont l’infection et l’exposition de l’implant, due en général à une mauvaise qualité des tissus ou à leur trop grande finesse. Dans ce cas, l’ablation de l’implant est le plus souvent nécessaire pendant plusieurs mois pour traiter l’infection. Une nouvelle prothèse pourra être placée plus tard.
Les complications secondaires sont représentées par la formation d’une coque périprothétique, réaction normale de l’organisme à un corps étranger, mais qui, dans certains cas, peut donner un mauvais résultat esthétique justifiant, dans 20 à 30% des cas, une reprise chirurgicale pour ablation de l’implant et son remplacement par un implant de taille plus importante et à surface texturée. D’autre part, l’implant peut se dégonfler et/ou se rompre, nécessitant là aussi une réintervention pour changement de prothèse.
Reconstruction par prothèse d'expansionUne autre possibilité dans la reconstruction prothétique, est la mise en place, toujours derrière le muscle grand pectoral, d’une prothèse d’expansion. Cette technique permet en général de mettre une prothèse définitive de plus grand volume que s’il n’y avait pas eu d’expansion. On peut éviter ainsi, dans certains cas, un geste de symétrisation au niveau de l’autre sein.
Une valve reliée à la prothèse d’expansion est généralement placée latéralement au niveau du plan thoracique. Cette valve permet de gonfler la prothèse d’expansion régulièrement, en plusieurs semaines, jusqu’à obtenir le volume désiré. L’expandeur est alors remplacé par une prothèse définitive, sauf dans le cas où on utilise une prothèse d’expansion particulière, l’expandeur de Becker, qui sert de prothèse définitive.
Reconstruction par lambeauxQuand la peau thoracique restante après la mastectomie est en quantité insuffisante et/ou de mauvaise qualité, une reconstruction par prothèse ne peut être envisagée. L’apport de tissus de bonne qualité (peau, panicule adipeux et muscle contenant les vaisseaux perforants vascularisant la peau sus-jacente) venant d’une autre région de l’organisme (dos, abdomen, fesses) est nécessaire afin d’effectuer une reconstruction mammaire.
Dans cette chirurgie particulière de transfert tissulaire, le lambeau et son pédicule (vaisseaux nourriciers) peuvent rester attacher à leur zone donneuse (dos, abdomen). Dans ce cas, un tunnel est créé entre cette zone donneuse et la région de la cicatrice de mastectomie, ou zone receveuse. Ce lambeau permettra de recouvrir une prothèse, ou, si le volume du lambeau est suffisant, de reconstruire entièrement le sein. Dans d’autres cas, le lambeau et son pédicule (artère et veine) sont entièrement détachés de la zone donneuse (abdomen, fesse), immédiatement rebranchés à une artère et une veine situées au niveau de la zone receveuse, ce qui nécessite des compétences en microchirurgie. Cette technique est appelée lambeau libre ou transfert libre.
La reconstruction mammaire par lambeau est donc beaucoup plus complexe que la pose d’une prothèse simple ou d’un expandeur tissulaire. D’autre part, la rançon cicatricielle sera plus importante dans ces techniques, les cicatrices étant présentes au niveau du sein reconstruit et au niveau de la zone donneuse du lambeau. Mais, lorsque le sein est reconstruit entièrement avec les propres tissus de la patiente, sans apport de prothèse, le résultat est en général plus naturel et plus stable dans le temps, les complications de la prothèse étant supprimées. De plus, lorsqu’on utilise un lambeau de l’abdomen, la silhouette est améliorée par un geste de plastie abdominale permettant la fermeture de la zone donneuse.
Le muscle grand dorsal est le muscle le plus grand du dos, allant du bassin et des dernières vertèbres vers l’humérus, au niveau de l’articulation de l’épaule. Les séquelles fonctionnelles dues au prélèvement de ce muscle sont négligeables chez l’adulte. Le lambeau de grand dorsal est actuellement le plus utilisé en chirurgie plastique. C’est aussi le plus fiable.
En reconstruction mammaire, on prélève en général le muscle, la graisse et la peau sus-jacentes vascularisées par le muscle : c’est un lambeau musculo-cutané. Ce lambeau permet de couvrir une prothèse mise en place au niveau du site receveur. Dans certains cas, lorsque la morphologie de la patiente le permet (sein à reconstruire de petit ou de moyen volume, panicule adipeux sous-cutané de bonne épaisseur), ce lambeau peut être utilisé seul, sans apport d’une prothèse.
La peau du dos permettent la reconstruction du sein amputé, appelée palette cutanée, a la forme d’un fuseau, dont la largeur maximale doit être calculée pour permettre une suture directe de la zone donneuse sans trop de tension de part et d’autre des berges. La cicatrice au niveau de la zone donneuse peut être orientée de façon différente :
soit verticalement, au niveau de la partie latérale du thorax. La cicatrice sera alors cachée par le bras, |
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soit horizontalement, en arrière, sous l’omoplate. La cicatrice sera cachée par le soutiengorge, |
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soit obliquement, vers le bas et l’extérieur. |
L’avantage de ce lambeau est sa grande fiabilité. Mais, la cicatrice dorsale peut être de mauvaise qualité (élargissement). Des collections de lymphe peuvent apparaître au niveau de la zone donneuse quelque temps après l’intervention, nécessitant des ponctions itératives.
Le relief des dernières côtes peut être anormalement visible, ainsi qu’une déformation en coin.
L’intervention se fait sous anesthésie générale, et dure environ de 3 à 5 heures. L’hospitalisation est en moyenne de 8 jours. Le retentissement sur la vie professionnelle est négligeable. La pratique du sport est possible.
Les muscles grands droits de l’abdomen s’étendent de part et d’autre de la ligne médiane, allant du pubis au thorax. Il existe donc deux muscles grands droits, un droit et un gauche. La palette cutanée abdominale a la forme d’un fuseau horizontal, dont la plus grande largeur se situe entre l’ombilic et le pubis. Cette peau et le panicule adipeux sous-jacent sont vascularisés par les muscles grands droits. La reconstruction mammaire par ce lambeau n’utilise en général qu’un seul muscle, qui est le plus souvent le muscle situé du côté opposé à la reconstruction.
Ce lambeau permet la reconstruction d’un sein de gros volume sans utilisation de prothèse. La fermeture de la zone donneuse abdominale nécessite un geste de plastie abdominale, permettant de modifier dans le même temps la silhouette de la patiente. Le prélèvement du muscle oblige d’autre part à une réparation de la paroi abdominale, à l’aide d’un fin treillis prothétique, pour éviter les risques d’éventration postopératoire. Il existe souvent une faiblesse de la paroi abdominale après cette intervention.
La reconstruction mammaire par lambeau de muscle grand droit abdominal est donc une technique lourde et longue (en moyenne 7 heures d’intervention). Les risques thrombo-emboliques sont non négligeables, prévenus par la prescription d’anticoagulant de façon systématique. Cette intervention nécessite en général une autotransfusion. L’hospitalisation dure en général de 10 à 15 jours. Une gaine de contention abdominale doit être portée de 1 à 2 mois après l’intervention.
La fiabilité de ce lambeau n’étant pas parfaite, des nécroses partielles voire totales peuvent survenir. Pour augmenter cette fiabilité, ce lambeau peut être utilisé en transfert libre, nécessitant un temps opératoire microchirurgical. Dans ce cas, le prélèvement musculaire étant moins important, les séquelles pariétales sont moindres. Mais la technique est plus difficile car très spécifique (microchirurgie) et est plus longue.
Ce lambeau est utilisé en reconstruction mammaire uniquement en transfert libre, permettant une reconstruction mammaire sans utilisation de prothèse. La rançon cicatricielle au niveau de la zone donneuse est le plus souvent minime, surtout si la cicatrice est située dans le pli sous-fessier. Mais, la réalisation technique de ce lambeau est difficile et ses indications sont rares. Le lambeau libre de muscle grand fessier est utilisé en général quand il existe une contre-indication à l’utilisation d’un lambeau de muscle grand dors al ou de muscle grand droit.
Symétrisation du sein controlateralLe second temps de la reconstruction du sein est la symétrisation du sein controlatéral. Les techniques employées sont variables en fonction de son volume, de son degré de ptose et de la technique de reconstruction du sein amputé.
Environ 3 à 5% de cancers occultes sont découverts lors de ce geste de symétrisation. La pratique de mammographies préopératoires et l’examen histologique des pièces d’exérèse cutanéo-glandulaires doivent donc être systématiques.
Si le sein reconstruit est de forme et de volume satisfaisants, aucun geste de symétrisation n’est nécessaire au niveau du sein controlatéral. Une petite asymétrie est préférable à de nouvelles cicatrices.
En fonction du volume et de la forme du sein controlatéral au sein reconstruit, une plastie mammaire de réduction ou d’augmentation par prothèse peuvent être utilisées. Si le sein controlatéral est de petit volume et ptosé, une augmentation par prothèse et un geste de redrapage cutané peuvent être nécessaires.
Reconstruction de la plaque areolo-mamelonnaireC’est le dernier temps de la reconstruction mammaire, lorsque l’on a obtenu deux seins de volume et de forme satisfaisants.
L’aréole peut être reconstruite soit par un tatouage, soit par une greffe de peau. Cette greffe de peau peut être prise au niveau de l’aréole controlatérale au moment du geste de symétrisation, soit au niveau du pli inguinal, près de la grande lèvre, la peau de cette région étant presque de couleur équivalente à celle de l’aréole. Les greffes ont un aspect plus naturel et sont plus durables que le tatouage.
La façon la plus satisfaisante de reconstruire le mamelon est la greffe de la moitié du mamelon controlatéral. Lorsque cela est impossible, une plastie locale doit être envisagée, dont le résultat à long terme est moins satisfaisant. Un tatouage est en général nécessaire lorsqu’on utilise une technique de plastie locale.
Modalités pratiquesLes différents temps de la reconstruction mammaire sont réalisés sous anesthésie générale, sauf dans quelques cas de reconstruction de l’aréole et du mamelon.
Une consultation d’anesthésie est donc obligatoire, cette intervention étant réalisée sous anesthésie générale. Elle doit avoir lieu minimum 1 mois avant l’intervention. Un bilan biologique et des examens complémentaires sont généralement demandés par l’anesthésiste. La perte sanguine due à l’intervention peut nécessiter le recourt à une autotransfusion (reconstruction par lambeau de grand droit). Un traitement préopératoire à base de fer peut être prescrit par l’anesthésiste.
Chez les patientes fumeuses, un arrêt strict du tabac doit être obtenu, les effets du tabac retardant en général la cicatrisation.
La douleur est très variable en fonction de l’intervention pratiquée, et est aussi fonction de la tolérance personnelle de la patiente à cette douleur. Un œdème postopératoire, ainsi que des ecchymoses, font partie des suites opératoires normales au niveau des sites opératoires. Ces ecchymoses disparaissent selon un mode stéréotypé en 15 jours à 3 semaines.
Comme pour toute intervention chirurgicale, il existe des risques de complications. Les plus fréquentes sont l’hématome et l’infection, qui peuvent nécessiter une réintervention rapide ou différée.
Il existe d’autre part les complications liés à l’anesthésie générale. Il existe enfin des risques propres à chaque type de méthode chirurgicale utilisées dans la reconstruction mammaire. Quelquefois, ces complications sont assez sévères pour nécessiter une intervention propre.